En matière d’assurance-vie, l’idée préconçue est d’abonder un contrat déjà souscrit.
Pourtant, semble judicieux de diversifier ces derniers en en souscrivant plusieurs.
Première idée : éviter le « mille-feuille » de la fiscalité des rachats sur un même contrat
La réforme sur la fiscalité de l’assurance-vie, entrée en vigueur le 1er janvier 2018 relative aux versements effectués après le 26 septembre 2017 introduit un nouveau traitement fiscal des rachats en les faisant passer à la « flat-tax » .
- Pour les versements effectués avant le 27 septembre 2017, les gains restent taxés selon les règles historiques connues, à savoir un choix entre l’imposition sur le revenu des gains, ou un prélèvement forfaitaire libératoire de 35 % pour les contrats de moins de 4 ans, 15 % pour les contrats entre 4 et 8 ans, et 7.50 % après un abattement de 4,600 ou 9,200 € pour les contrats de plus de 8 ans ;
- Pour les versements effectués depuis le 27 septembre 2017, les rachats sont donc soumis, soit à l’impôt sur le revenu, soit à un prélèvement forfaitaire unique de 12.80 % pour les contrats ayant moins de 8 ans, et toujours à ce taux de 12.80 % (ou de 7.50 % selon les montants détenus en assurance-vie) après abattement de 4,600 ou 9,200€ pour les contrats de plus de 8 ans.
En synthèse, la fiscalité en cas de rachat est donc différente selon que les versements sont intervenus avant ou après le 26 septembre 2017, pas forcément moins avantageuse, tout est affaire de situation fiscale et d’âge de contrat.
Quoi qu’il en soit, il paraît parfaitement déraisonnable de prétendre pouvoir conseiller un contribuable qui aurait, sur un même contrat, effectué des versements avant cette date du 26 septembre 2017, et d’autres après, car le traitement fiscal d’un rachat qu’il viendrait à effectuer sur ce contrat en « mille-feuille » fiscal sera au mieux très complexe, au pire incompréhensible et pénalisant.
Compte tenu de cette césure fiscale sur le traitement des rachats selon la date des versements, il paraît donc préférable, si le souscripteur envisage à terme des rachats sur ce contrat (ce qui est quand même, souvent, un des objectifs…), de lui préconiser d’effectuer son éventuel nouveau versement sur un nouveau contrat, afin de pouvoir l’accompagner sur un choix fiscal clair et optimisé lors de son besoin futur de retrait.
Deuxième idée : ne pas cumuler, sur un même contrat, des versements avant et après 70 ans
Prenons un exemple très simple : si, sur un même contrat, vous effectuez vos versements avant 70 ans pour optimiser les abattements par l’application de l’Article 990i, vous avez potentiellement deux bénéficiaires, et donc vous avez versé avant 70 ans sur votre contrat 300,000 € pour que ces capitaux soient totalement exonérés en cas de décès.
Mais vous avez eu d’autres rentrées d’argent, suite à une cession immobilière, à 75 ans, et vous avez souhaité ré-employer en assurance-vie 100,000 €, pour pouvoir en tirer des rachats réguliers au fur et à mesure de vos besoins.
Dans un cas comme celui-là, il conviendra d’ouvrir 2 nouveaux contrats.
Pourquoi ne pas verser sur l’ancien contrat ? Tout simplement parce que si l’on reste sur le même contrat pour tous les versements, qui cumulera donc des versements avant et après 70 ans, les rachats partiels viendront automatiquement imputer les 2 « compartiments » de versements… vous ne pourrez pas choisir d’effectuer des rachats sur la partie des versements postérieurs à 70 ans. Et la belle optimisation pensée pour optimiser les abattements concernant les versements avant 70 ans, sera anéantie, du fait de ces rachats, dans la mesure où vous ne pourrez pas pas venir réabonder à posteriori les primes soumises à l’article 990I du code général des impôts ;
Pourquoi deux contrats (au moins) pour la partie versée après 70 ans : tout simplement pour venir imputer vos rachats sur un seul contrat et prendre en compte l’application de l’Article 757b pour les versements après 70 ans, qui définit la méthode de calcul validée par le Conseil Constitutionnel le 3 octobre 2017 pour déterminer l’assiette imposable aux droits de succession : imposition du montant des primes versées sans tenir compte des rachats éventuellement effectués.
Prenons l’exemple pour 100,000 € versés sur un seul nouveau contrat. Vous effectuez sur ce contrat 40,000€ de rachats, et la valeur du capital à votre décès est de 120,000 € ; l’administration fiscale considérera que le montant assujetti aux droits de succession (avant abattement de 30,500 €) s’élève à… 100 000 €,alors même que sur le plan de la fiscalité des rachats, elle aura considéré que ses retraits étaient essentiellement constitués de capital et minoritairement d’intérêts.
S’agissant du traitement successoral, il en va donc différemment.
Les héritiers se retrouveront donc à régler des droits de succession sur un montant de 69,500 € (100,000 moins l’abattement de 30,500 € de l’Article 757b du code général des impôts).
Dans le cas de 2 contrats de 50 000 € et dans la mesure où vos rachats ne se feront que sur un seul de ces 2 contrats, quel sera alors le capital soumis à succession ?
Pour reprendre les mêmes données que notre exemple ci-dessus concernant la valeur au terme : le contrat, n’ayant pas fait objet de rachat : valeur au jour du décès 110,000 €.
Deuxième contrat, qui a supporté les rachats, valeur du contrat : 10,000 €.
Nous avons donc bien au terme un encours de 120,000 €, comme précédemment.
Sauf qu’ici, la valeur retenue des primes versés pour le contrat 1 sera bien de 50,000€. Et pour la valeur du contrat 2, il existe une « tolérance » administrative qui admet que, dans l’hypothèse où la valeur du contrat au jour du décès est inférieure au montant des primes versées, ne sont soumis aux droits de succession que le montant le plus faible entre capital décès et primes versées, donc ici 10,000 €. Ne rentrent donc au total en succession que 29 500 € (50,000+10,000-30,500).
En ouvrant simplement un deuxième contrat supportant les rachats, nous faisons entrer 40,000€ de moins dans la succession.
Pas anecdotique, et encore moins si le ou les bénéficiaires se trouvent ne pas être des successibles en ligne directe, car 40,000€ de moins soumis à 55 % de droits par exemple… nous donnent une économie de droit de succession de 22,000€.
L’on peut imaginer qu’à ce prix, nous avons rentabilisé le peu de temps supplémentaire nécessaire à ouvrir 2 contrats au lieu d’un seul…
Troisième idée : distinguer les bénéficiaires selon la fiscalité décès applicable
Sur un même contrat, il n’est pas possible de « ventiler » les bénéficiaires selon la fiscalité applicable, point sur lequel une réponse ministérielle a été apportée le 8 août 2019.
Il n’est pas permis, sur un même contrat, de prévoir, dans la clause bénéficiaire, un bénéficiaire pour la partie des primes versés avant 70 ans et donc soumises à l’application de l’Article 990i du code général des impôts, et un ou des autres bénéficiaires pour la partie des primes versées après 70 ans et donc soumises à l’application de l’Article 757B.
Cela est impossible sur un même contrat, mais pas sur des contrats différents !
Pour reprendre le cas précédent, je peux tout à fait nommer A bénéficiaire du contrat 1 dont les primes ont été versées avant 70 ans et donc soumises au 990I , et nommer B bénéficiaire du contrat 2 dont les primes ont été versées après 70 ans et donc soumises à l’application de l’article 757B.
Distinguer les contrats selon l’âge de versement des primes paraît donc encore une fois être un conseil judicieux permettant d’optimiser la rédaction différenciée des clauses et donc des fiscalités applicables par bénéficiaire.
Pour optimiser cette gestion des contrats selon l’âge auquel on a effectué les versements, l’on pourrait même conseiller à nos clients d’opter pour des profils de gestion distincts, et opter pour une stratégie plus offensive pour le ou les contrats réceptacles des versements postérieurs aux 70 ans, afin d’optimiser les potentielles plus-values sur cette partie de l’épargne, sur laquelle c’est surtout l’optimisation des gains qui est stratégique sur un plan fiscal.
Quatrième idée : en cas de besoin de rachats programmés immédiats, mieux vaut prélever sur un nouveau contrat
La preuve par l’exemple : un célibataire, qui perçoit suite à une vente immobilière un capital de 200,000 €.
Ce bien immobilier lui permet de générer un revenu complémentaire et il souhaiterait que le placement qu’il s’apprête à effectuer, lui génère également un revenu de 20,000 €/an.
Il bénéficie dans sa banque d’un contrat dont la valorisation est aujourd’hui de 600,000 €.
Sa banque lui tiendra certainement le discours suivant : « Mais enfin M. DUPONT, bien entendu qu’il faut verser sur ce magnifique contrat d’assurance-vie, rendez-vous compte, ce contrat a 20 ans, vous avez le meilleur régime fiscal qui soit ! Vous verserez sur ce contrat, et vous retirerez vos 20,000 € tous les ans dessus ».
L’assurance-vie après 8 ans, c’est le paradis ! Le contrat est défiscalisé ! »
Rappelons donc les véritables règles qui s’appliqueront au contrat de la banque, quand son client y effectuera ses rachats : sur la quote-part d’intérêts du rachat, application de l’impôt sur le revenu, ou d’un prélèvement forfaitaire libératoire de 7.50 % après un abattement de 4,600 €.
Pas tout à fait « défiscalisé »…
Le contrat de la banque, aujourd’hui valorisé à 600,000 €, a été constitué au moyen de versements de capitaux de 250,000 €, la différence étant constituée par les intérêts cumulés.
Pour la première année, si notre client a versé son capital complémentaire sur cet ancien contrat, alors, dans son rachat de 20,000 €, la quote-part d’intérêts soumise au calcul de la fiscalité sera de 8,750 €.
Célibataire, il bénéficie d’un abattement de 4,600 € chaque année, et devra donc s’acquitter de la fiscalité choisie (IR ou PFL de 7.50 %) sur 4,150 €.
Si l’on considère qu’il est dans une tranche marginale d’imposition élevée, il va opter pour le prélèvement forfaitaire et donc payer une imposition de 311 €.
Pour peu que ce célibataire n’écoute pas « les bons conseils » de sa banque, qu’il verse le produit de la vente sur un nouveau contrat et qu’il partage son retrait entre son ancien et son nouveau contrat, que se passera-t-il ?
Sur l’ancien contrat, il effectuera un rachat de 8,000 € qui ne serait, sur la base d’un rendement moyen, composé que de 4,600€ d’intérêt, donc « sans fiscalité ».
Sur le nouveau contrat, il va effectuer un rachat de 12,000 € dès la première année, dont 300 € d’intérêts seulement seront soumis à la flat tax à 12.80 % (hypothèse de rendement à 2.50 %), soit une fiscalité de 38 €.
Ce mécanisme, qui fonctionnait déjà avant 2017, est encore plus pertinent depuis que les nouveaux contrats d’assurance-vie sont soumis à la flat tax dès leur première année.
Et c’est la nature même des modalités de calcul des rachats en assurance-vie qui induit ce résultat.
Sur un contrat de plus de 8 ans, le taux du prélèvement a beau être plus faible, si le « stock » d’intérêts est important, la fiscalité le sera également.
Sur un contrat récent qui subit immédiatement des rachats, tout retrait sera donc évidemment composé quasiment uniquement de capital (sur un plan fiscal) et la fiscalité très faible, même si, à la lecture des tableaux, elle semblait être plus importante. Pour grossir le trait, il vaut mieux payer 30 % d’impôts sur une base de 10 (3 €), que 3% sur une base de 1,000 (30 €) …