Le secteur de la banque connaît une zone de turbulence depuis des années, particulièrement parmi les conseillers clients.
Depuis des mois, vous échouez à contacter votre conseiller bancaire à propos de votre livret A ; d’ailleurs, voilà un bout de temps que votre agence a l’air bien vide.
Et en y repensant bien, le responsable client a changé trois fois en deux ans… le secteur de la relation bancaire traverse une zone de turbulence.
« Avant, l’on croulait sous les CV. Maintenant, nous multiplions les initiatives pour recruter : Pôle emploi, prime au recrutement, présence sur tous les salons de l’Emploi… » témoigne un cadre bancaire.
En quelques années seulement, l’image du banquier s’est sérieusement écornée : la crise financière de 2008 et les « gilets jaunes », dix ans plus tard, « ont terni l’image de la banque et de ses agents ».
En 2021, 350,400 salariés travaillaient dans le secteur bancaires, selon les chiffres de l’Association Française des Banques (AFB) ; ils étaient 30.000 de plus en 2012. Une perte de 10 % en dix ans que l’AFB tient tout de même à relativiser : le secteur recrute 40,000 têtes/an en moyenne. Oui, mais voilà : les recrues arrivent, mais ont rapidement des envies d’ailleurs.
« La tendance est particulièrement marquée chez les conseillers de clientèle, surtout chez les jeunes de moins de 30 ans. Ils ont une autre vision du travail, plus d’envie de mobilité et le concept de carrière au sein d’une même banque ne fait plus rêver comme la génération précédente ».
En 2022, le groupe BPCE – qui regroupe la Banque populaire, la Caisse d’Epargne, Natixis, la Banque Palatine et Oney – notait ainsi que 31 % des départs de CDI étaient dû à une démission, raison numéro un, loin devant les autres (23 % pour une mutation, 15 % pour une retraite et 10 % pour un licenciement).
Sur la pente raide depuis des années
La problématique n’est pas nouvelle et ne date pas de la pandémie. Entre 2014 et 2019, la part de démission dans le secteur bancaire est passée de moins de 25 % à 40 %, selon l’AFB. Et qui trouvait-on déjà en haut de la liste ? Les chargés de clientèle, avec un départ sur deux en raison d’une démission ; une pente sacrément raide.
Conseillère en banque en CDI depuis moins d’un an en Bretagne, Emma a déjà des envies de départ : « Deux mois après la signature de mon contrat, j’étais en burn-out ; la cadence est infernale et la pression permanente ».
Chaque semaine, les chiffres du nombre d’assurances, prêts et contrats signés par les conseillers, sont diffusés à tous les salariés. Officiellement, « ce sont des jeux-concours qui peuvent parfois rapporter des places de concert ou des verres ». Officieusement, « cela instaure une ambiance malsaine entre nous ; une compétition permanente ».
Selon une étude de la société Upside – Rapport 2022 du burn-out dans le secteur bancaire –, 86 % des banquiers se sont sentis obligés de prendre des congés à cause du stress et 72 % des salariés envisagent de quitter le secteur pour éviter un burn-out.
Des équipes diminuées
Une pression accrue en raison de la diminution des services. Le secteur bancaire perd en moyenne 1 % de ses effectifs chaque année, beaucoup de départs n’étant pas compensés.
Les banques ont dû revoir leur marge lorsque les taux d’intérêt étaient très bas, et réduire leurs dépenses en conséquence. C’est ce qui peut expliquer en partie cette perte d’effectif, notamment parmi les conseillers clients. Un secteur déjà éprouvé par la digitalisation de certaines tâches et la fermeture d’agences à travers la France.
Enfin, plusieurs fusions de banques expliquent également la diminution des effectifs.
Cette réduction des équipes exige plus de tâches aux restants : « on est sous l’eau, à devoir faire à trois le Travail qu’on faisait il y a encore trois ans à cinq », soupire Aurélie, conseillère à la Société générale depuis 7 ans. À 35 ans, la conseillère dit devoir travailler pendant ses congés ou ses week-ends, « afin d’abattre la charge de boulot nécessaire ».
Perte de sens
« Les banquiers n’ont plus de vision économique et stratégique en agence. Les conseillers doivent appliquer ce que leur direction leur demande, sans avoir d’esprit d’initiative ou de prise de décision. Il y a donc le bâton – la pression – sans la carotte : l’autonomie, le sens ou un salaire très important », ce que Zoé résume d’un soupir plein de désillusions : « l’on dit qu’on est conseillers, mais en réalité, je suis une vendeuse ; je dois vendre des assurances, des contrats, des prêts ».
Et là encore, les effectifs réduits aggravent les choses : « il n’y a plus de temps pour l’Humain, on fait tout par mail ; ça va plus vite. Mais c’est triste et monotone ».
Conséquence de ces désillusions : « quand une personne démissionne d’une banque, elle quitte souvent le secteur bancaire pour faire autre chose ; d’où un métier sous tension ».
La pénurie va-t-elle se prolonger ? Avec l’inflation et la peur d’une crise du secteur bancaire, la tendance va marquer le pas, les employés préférant la sécurité de l’Emploi » ; une crise peut en chasser une autre.