Guerre en Ukraine : quels conséquences pour les marchés financiers ?

Russia VS Ukraine

Alors que la planète s’apprêtait à peine à sortir de la crise du covid, un nouveau choc dramatique est en train de se dérouler en Ukraine.

A ce stade du conflit, Il est déjà admis que les conditions économiques et financières pour 2022 seront bouleversées.

Si la croissance économique sera affectée, particulièrement en Europe, les sanctions rapidement mises en place toucheront en premier lieu la croissance économique en Russie et en Ukraine qui pèsent respectivement 3 % et 0.50 % du PIB mondial. Le frein, voire l’arrêt du commerce extérieur avec ces pays, l’interruption des transports, les contraintes de circulation des capitaux vont, selon toutes vraisemblances, entraîner des perspectives de croissance revues à la baisse.

L’ampleur de cette révision va dépendre de la durée du conflit, mais certains envisagent une croissance qui pourrait être amputée de moitié en Europe pour atteindre environ 2 %, le reste du monde se situant autour de 3 %.

Si le conflit trouve une issue rapide, l’impact sera évidemment moins prononcé.

Rappelons que ces chiffres demeurent encore positifs, voire supérieurs à ceux pré-covid…pour peu que les scénarios du pire ne se produisent pas.

L’impact sur l’inflation sera en revanche plus préoccupant : un pic dû aux cours des matières premières
Les effets durables d’une forte hausse du coût des matières premières industrielles et agricoles ont pu par le passé provoquer des récessions.

La Russie et l’Ukraine pèsent dans les exportations mondiales : 4.50 % des denrées alimentaires et le tiers des exportations de blé ; pour le pétrole, le charbon, l’aluminium, le palladium et le gaz, ces pays pèsent à eux seuls environ 6 % du marché mondial.

La tension sur les prix est déjà visible avec un baril de pétrole qui dépasse les 110 dollars.

La hausse des cours de l’alimentation et de l’énergie entre dans la catégorie que les banques centrales ont qualifié de « transitoire ».  La crise en Ukraine va prolonger voire exacerber ces tensions inflationnistes qui étaient appelées à se résorber avec la sortie du Covid.

Pourtant, des solutions de substitution pour temporiser et surtout accroître l’offre se dessinent.

Ainsi, pour le pétrole, l’AIE (31 pays, USA, France, Japon Allemagne, etc.) a déjà indiqué débloquer des stocks stratégiques pour 60 millions de barils (soit 2 millions de barils par jour pendant 30 jours sur une consommation mondiale d’environ 10 par jours).

C’est encore peu, mais plus intéressante est l’évolution des forages et puits en activité en Amérique du nord, USA et Canada, qui constituent  23 % du pétrole mondial : depuis le creux de la crise covid, les puits en activité ont augmenté de 50 % à 874 aujourd’hui, encore loin de la production de 2018, début du précédent effondrement des cours du baril.

Par ailleurs, dès que le baril atteint les 75 $, les exploitations de schiste redeviennent rentables et donc ré-ouvrent, ce qui permettra d’équilibrer le Marché.

L’inflation pourrait se stabiliser
L’inflation dite « cœur », hors prix de l’énergie et des matières agricoles, est la préoccupation majeure des banques centrales.

La FED, suivie de la BCE, devait d’ailleurs dès le mois de mars modifier sa politique afin d’éviter qu’une inflation durable ne s’installe, c’est-à-dire que la spirale prix-salaires ne s’enclenche. Le prix d’un bien peut se détendre alors qu’une augmentation de salaire fixe est rarement revue à la baisse ; cette échéance a globalement fait baisser les indices boursiers en janvier.

La Grande Bretagne avait ainsi été obligée de relever ses taux directeurs constatant des salaires en hausse de plus de 8 %.

L’inflation cœur PCE américaine a touché 5.10 % entraînant une hausse des salaires de 6.70 % au cours de l’année écoulée. Cette limite approchait, tout comme pour la zone EUR (3% d’inflation cœur et des salaires en progression de 2.50 %) où la BCE s’apprêtait à agir afin de limiter ce processus.

Le choc de l’Ukraine va certainement calmer les velléités des syndicats, introduire un climat où les comportements de précaution, la prudence des ménages et des entreprises vont temporiser les revendications salariales.

Le premier Ministre Castex évoque déjà de nouvelles mesures visant à contenir les effets des hausses des prix : gel des tarifs, etc.

Dans ce contexte, les taux d’intérêt baissent à nouveau
Ces facteurs ont renversé la tendance sur l’évolution des taux d’intérêt.

De plus, l’appétit pour des placements sécuritaires – les obligations d’Etat – a été telle au cours des premiers jours du conflit, que les taux allemands à 10 ans sont repassés négatifs, les taux français revenant à seulement 0.45 %.

Dans ce climat de tensions extrêmes, il est envisageable que les banques centrales prennent l’initiative de dégrader significativement les conditions financières des marchés.

L’effet d’éviction
L’effet d’éviction décrit par Keynes suggère qu’en cas de crise majeure, les États doivent soutenir l’activité car les agents économiques privés sont tétanisés par l’Environnement.

C’est ce qui s’est déroulé avec la crise du Covid dans un élan mondial unique : les chiffres historiques de reprise de l’activité en 2021 sont la conséquence de déficits budgétaires inégalés par le passé (hors période de guerre mondiale). Ce que n’avait pas prévu Keynes, c’est le financement de ces déficits par le « Quantitative Easing », c’est-à-dire l’achat massif de dette d’État par les banques centrales.

Ce faisant, les taux sont restés bas, les taux réels négatifs rendant les placements actions très attractifs ; la sortie du « Quantitative Easing » devait passé par la normalisation et la contraction des déficits budgétaires afin de gérer l’explosion de la dette.

Or, en quelques jours, la solidarité et la mobilisation économique des états en réaction à la crise ukrainienne semblent d’une ampleur comparable à celle mise en place pour la gestion de la crise sanitaire : 500 millions d’euros d’aide sanitaire débloqués par l’Europe, 110 envoyés par l’Italie ; sans parler des 3 milliards pour l’Ukraine débloqués par la banque mondiale, ou encore des 100 milliards d’euros de dépenses militaires décidés par l’Allemagne et des 1.7 milliards de dollars demandé par l’ONU… les annonces se succèdent à un rythme incroyable.

Bien sûr, les dépenses additionnelles n’auront pas la même destination dans un premier temps (fourniture d’armes, aide humanitaire, accueil des réfugiés), mais un ‘quoi qu’il en coûte’ semble se dessiner avec l’évocation du gel des prix de l’Energie en France, un plan de résilience à venir, comme indiqué par Castex.

Il semble probable que les banques centrales participeront à l’effort par l’ouverture de nouvelles enveloppes de financement.

Dans ce contexte, comme pour la crise du Covid, des afflux de liquidités continueront à soutenir l’activité et favoriser les marchés actions.

En resumé:

  • Un nouveau schéma de conditions financières favorables aux marchés d’actions se dessine en réponse à la crise ukrainienne. Les taux d’intérêts réels négatifs vont perdurer ;
  • À la suite des allégements menés en janvier et février, les actions sont désormais légèrement sous pondérées dans les différents portefeuilles ;
  • Dans cette crise en Ukraine, l’Europe se trouve en première ligne. Différents arbitrages à l’intérieur de la poche actions visant à alléger les valeurs cycliques en Europe (plus exposées au ralentissement de la croissance), au profit des actions américaines plus défensives.

Précision : Les informations contenues dans cet article n’engagent que le rédacteur et ne sauraient se substituer à un conseil financier spécifique. Elles ne sont valables qu’à la date de leur rédaction uniquement.

Jeremy ESSERYK
Conseiller en Investissements Financiers
Courtier en assurances et en prêts bancaires en Europe
office@kne-ltd.com

Marchand de biens