La Banque centrale européenne (BCE) commence à assouplir sa politique monétaire, en abaissant son taux de dépôt à 3.75 %. Mais elle refuse de s’engager sur une trajectoire de baisse, alors qu’elle vient de relever sa prévision d’inflation pour 2024 et 2025.
La BCE – Banque Centrale Européenne – a réduit jeudi 6 juin 2024 ses taux directeurs pour la première fois depuis septembre 2019, une décision largement anticipée par les marchés.
Le conseil des gouverneurs de la BCE a fixé le taux de rémunération des dépôts à 3.75 %, en baisse de 25 points de base par rapport au niveau de 4 % en vigueur depuis septembre 2023. Le taux des opérations principales de refinancement et le taux de la facilité de prêt ont été abaissés dans les mêmes proportions, à respectivement 4.25 % et 4.50 %.
La banque centrale s’est toutefois montrée très prudente sur la suite du cycle d’assouplissement monétaire, en liant ses décisions, réunion par réunion, à l’évolution des salaires et des prix, et en refusant de s’engager sur une trajectoire de baisse.
La BCE a aussi relevé ses prévisions d’inflation pour 2024 et 2025 en zone euro, alors que cet indicateur a connu un récent rebond en mai.
« Nous ne nous engageons pas sur une trajectoire déterminée de taux » a répété à plusieurs reprises la présidente de la BCE, Christine Lagarde, lors de sa conférence de presse, reprenant les termes du communiqué.
Interrogée pour savoir si cette première baisse de taux marquait le début d’un « retour en arrière » en matière de politique monétaire, Christine Lagarde a répondu : « je ne peux pas le confirmer », tout en admettant « une forte probabilité ».
La BCE a décidé de baisser ses taux à l’unanimité des gouverneurs moins une voix, à la lumière des progrès réalisés sur le front de l’inflation.
« Depuis la réunion du Conseil des gouverneurs de septembre 2023, l’inflation s’est ralentie de plus de 2,5 points de pourcentage et les perspectives d’inflation se sont nettement améliorées, s’est justifiée la BCE dans son communiqué. « L’inflation sous-jacente s’est également modérée, renforçant les signaux d’atténuation des tensions sur les prix, et les anticipations d’inflation ont diminué sur tous les horizons », a-t-elle ajouté.
Néanmoins, le communiqué adopte un ton moins accommodant que lors de la précédente réunion du Conseil des gouverneurs. « Les tensions sur les prix d’origine interne restent fortes, en raison de la croissance élevée des salaires, et l’inflation devrait rester supérieure à l’objectif pendant une grande partie de l’année prochaine », a souligné la BCE.
« Nous aurons besoin, à chaque point, dans les prochains mois, de données, d’analyses, pour confirmer de manière constante que nous sommes sur le chemin de la désinflation », a précisé Christine Lagarde lors de sa conférence de presse.
Christine Lagarde a également justifié cette baisse de taux par le fait que la politique monétaire était aujourd’hui plus restrictive, en termes de taux réels – corrigés des anticipations d’inflation – qu’en septembre 2023 « nous enlevons un degré de restriction » dans la politique monétaire, a indiqué la présidente, mais « nous resterons restrictifs aussi longtemps qu’il le faudra pour ramener l’inflation à 2 % ».
Les rendements à 10 ans allemands se sont tendus de 3 points de base à 2.56 %, juste après la publication du communiqué de la BCE, et ont peu varié durant la conférence de Christine Lagarde.
La hausse des prix dans la zone euro a atteint 2.60 % en mai sur un an, après 2.40 % en avril, selon une première estimation publiée le 31 mai par Eurostat. Ce rebond a notamment été alimenté par une hausse des salaires et des prix dans le secteur des services.
Ces données ont conduit la BCE à relever ses prévisions en matière d’inflation pour cette année et la suivante.
La banque centrale estime que l’inflation atteindra 2.50 % en 2024 dans la zone euro, 2.20 % en 2025 et 1.90 % en 2026, d’après ses nouvelles projections publiées jeudi. En mars, la BCE prévoyait une inflation de 2.30 % pour 2024, de 2 % pour 2025 et de 1.90 % pour 2026.
La BCE a par ailleurs relevé sa prévision de croissance pour l’année en cours. Elle table maintenant sur une progression du PIB – Produit Intérieur Brut – de la zone euro de 0.90 % en 2024, contre 0.60 % précédemment. Elle a en revanche légèrement abaissé ses prévisions de croissance pour 2025 à 1.40 % au lieu de 1.50 % précédemment.
Pour 2026, la banque centrale a maintenu sa prévision d’une croissance de 1.60 %.
D’autres banques centrales ont déjà réduit leurs taux directeurs au cours des derniers mois.
Mercredi, la Banque Centrale du Canada a procédé à une baisse surprise de 25 points de base de ses taux, emboîtant le pas à la Banque nationale suisse et à la Riksbank suédoise. La FED – Réserve Fédérale Américaine -, confrontée à une inflation plus tenace, devrait quant à elle attendre le mois de septembre pour suivre le mouvement.