Les questions économiques ont été un élément clé de la victoire de Donald Trump en 2016.
Il a notamment fait valoir les avantages de l’imposition de droits de douane : réduction du déficit commercial, soutien à l’emploi national, retour des usines délocalisées, et augmentation des recettes fiscales en taxant les produits étrangers.
Les augmentations de tarifs douaniers durant le premier mandat Trump, notamment sur les produits chinois, ainsi que sur l’acier et l’aluminium en provenance de divers pays, n’ont pas produit les résultats escomptés.
Elles n’ont ni réduit le déficit commercial ni créé de nouveaux emplois, mais ont néanmoins eu des effets politiques significatifs : les électeurs des régions protégées se sont montrés plus enclins à soutenir Trump en 2020, ainsi que les républicains au Congrès.
Dans sa campagne pour 2024, Trump a promis de renforcer cette politique en augmentant les droits de douane de 60 % sur tous les produits chinois et de 10 à 20 % sur ceux en provenance des autres pays.
Il a également prévu de toucher dix fois plus d’importations qu’en 2018. De plus, dès son investiture, il a annoncé l’intention de mettre en place un tarif de 25 % sur les produits canadiens et mexicains jusqu’à ce que les flux de drogues et d’immigrants illégaux soient interrompus.
En outre, il a exigé que les pays du BRICS (Chine, Russie, Brésil, Inde, Afrique du Sud) renoncent à la création d’une nouvelle monnaie contestataire du dollar, sous peine de se voir infliger des droits de douane de 100 %. Ce discours laisse présager une intensification de la politique commerciale protectionniste.
Les conséquences potentielles d’une telle politique sont préoccupantes.
Selon la majorité des études économiques, une hausse significative des tarifs douaniers risquerait de réduire à la fois la croissance du PIB et l’emploi aux États-Unis. En effet, plus de la moitié des importations américaines sont constituées de composants et de matières premières utilisés dans la production intérieure.
Par exemple, une grande partie des minéraux critiques et environ 90 % des principes actifs des médicaments proviennent de l’étranger.
L’augmentation des droits de douane rendrait ces intrants plus chers, réduisant ainsi la compétitivité des entreprises américaines, notamment celles qui exportent.
L’industrie automobile nord-américaine, caractérisée par des chaînes de production transfrontalières, subirait également un coup dur.
L’instauration de droits de douane sur les produits traversant les frontières entre les États-Unis, le Mexique et le Canada perturberait sérieusement ces flux, ce qui nuirait à l’ensemble de l’industrie, aux États-Unis comme dans les deux autres pays partenaires.
Par ailleurs, une grande partie des hausses de tarifs de 2018 ont été répercutées directement sur les consommateurs américains, en particulier les ménages à faibles revenus, qui achètent une proportion plus élevée de produits importés.
En outre, les réductions d’impôts proposées par Trump, associées à un déficit budgétaire important, génèrent des pressions inflationnistes. Cela pourrait rendre les électeurs plus sensibles à la hausse des prix, ce qui limiterait la marge de manœuvre pour de nouvelles augmentations de droits de douane.
Les pays visés par ces nouvelles mesures réagiront sans doute par des contre-sanctions, comme cela a été le cas lors des précédentes hausses de tarifs. Le Canada et le Mexique ont déjà laissé entendre qu’ils prendraient des mesures de rétorsion, ce qui pourrait aggraver la situation pour l’industrie nord-américaine.
L’Union européenne, bien que plus dépendante des États-Unis pour sa sécurité, pourrait aussi envisager des réponses, même si elles risquent d’être limitées.
En ce qui concerne les menaces vis-à-vis des BRICS, elles semblent exagérées.
La création d’une monnaie alternative au dollar, souvent évoquée par Trump, est peu probable. Les pays du BRICS manquent des institutions et de la stabilité politique nécessaires pour mener à bien un tel projet. La domination du dollar est solidement ancrée : il représente environ 58 % des réserves mondiales de change.
En réponse à ces accusations, l’Afrique du Sud a d’ailleurs démenti tout projet de création d’une monnaie commune au sein du groupe.
Face à ces défis économiques, l’administration Trump pourrait tenter de modérer sa position pour rassurer les marchés.
Pour autant, il est probable que la Chine et certains secteurs clés, comme l’acier, restent des cibles privilégiées. Une approche plus nuancée pourrait émerger, mais elle risquerait d’être influencée par la faction protectionniste du gouvernement. En ce sens, les hausses de tarifs pourraient être utilisées comme levier pour négocier des concessions, notamment en matière d’achats de produits américains ou de restrictions sur certaines exportations.
Ainsi, une guerre commerciale à grande échelle semble peu probable, mais des tensions commerciales supplémentaires restent à prévoir : Trump pourrait se servir des menaces tarifaires pour obtenir des compromis dans d’autres domaines, comme les transferts de technologies ou les pratiques commerciales.
Cependant, cette stratégie, qui consiste à utiliser des taxes pour négocier, violerait les règles de l’Organisation mondiale du commerce et affaiblirait encore davantage l’ordre international fondé sur des principes commerciaux équitables.
Les effets de telles politiques seront difficiles à anticiper avec certitude, mais il semble probable qu’une approche plus modérée pourrait l’emporter, à condition que l’aile protectionniste ne prenne pas le dessus à Washington. Si tel est le cas, les États-Unis pourraient sacrifier une partie de leur compétitivité pour tenter de récupérer une partie de leur « grandeur industrielle » perdue.