Mise sous tutelle du FMI : la France pourrait-elle vraiment y être confrontée ?

FMI

Jadis jugée impensable, l’hypothèse d’une mise sous tutelle de la France par le Fonds monétaire international (FMI) fait aujourd’hui son chemin dans le débat économique. Entre déficits publics incontrôlés, dette croissante et crédibilité budgétaire affaiblie, plusieurs signaux d’alerte se multiplient. Le FMI lui-même, dans un rapport publié cette semaine, exhorte Paris à prendre des « décisions difficiles » pour assainir ses finances.

Alors, ce scénario extrême d’une intervention extérieure est-il réellement envisageable ?

Des finances publiques en surchauffe

En février dernier, la Cour des comptes tirait déjà la sonnette d’alarme, dénonçant une dépense publique « en roue libre » et plaçant l’État « au pied du mur ». Aujourd’hui, c’est le FMI qui enfonce le clou. Selon ses prévisions, sans mesures correctrices majeures, le déficit public français pourrait rester proche de 6 % du PIB dans les années à venir.

Quant à la dette, elle continuerait sa progression pour atteindre des niveaux records à l’horizon 2030.

Le gouvernement, lui, reste officiellement confiant. Il maintient son objectif de ramener le déficit sous les 3 % du PIB d’ici 2029, contre 5,8 % attendus en 2024. Mais cet engagement est accueilli avec scepticisme.

Ni la Commission européenne, ni la Cour des comptes, ni le FMI ne considèrent ce scénario comme crédible. Tous pointent une absence de stratégie concrète de réduction de la dépense publique.

Un scénario de tutelle encore lointain, mais plus tabou

Peut-on alors imaginer une intervention du FMI en France, comme cela fut le cas en Grèce, au Portugal ou en Argentine ? Pour Olivier Blanchard, ancien chef économiste du FMI, la réponse est claire : « Oui, c’est envisageable à moyen ou long terme si l’incapacité à maîtriser les dépenses publiques persiste. Ce n’est pas impensable. »

Il ne s’agirait cependant pas d’une mise sous tutelle immédiate ni d’une gestion directe par le FMI. Le processus ne s’enclenche qu’en cas de perte d’accès aux marchés financiers, c’est-à-dire lorsque les investisseurs cessent de prêter à un État, ou exigent des taux prohibitifs.

Un scénario jugé encore peu probable à ce stade, mais que certains économistes n’excluent plus totalement.

Le bouclier de la BCE : un garde-fou décisif

Ce qui distingue la France d’autres pays ayant sollicité l’aide du FMI, c’est d’abord son appartenance à la zone euro. La Banque centrale européenne (BCE) constitue une protection majeure contre une crise de la dette.

En cas de tensions extrêmes sur les marchés, la BCE dispose d’un arsenal d’interventions, comme le programme OMT (Opérations monétaires sur titres), qui permet de racheter sans limite des obligations d’État pour enrayer une flambée des taux.

En échange, un plan d’ajustement budgétaire doit être négocié avec les institutions européennes. Il s’agit souvent de mesures d’austérité sévères : coupes dans les dépenses, réformes structurelles, hausses d’impôts.

Dans ce contexte, le FMI peut être associé aux discussions, mais sa participation n’est ni automatique ni toujours bien perçue, notamment du côté de Francfort.

L’implication du Fonds lors de la crise grecque, en 2010, avait d’ailleurs été vécue comme une « humiliation » par l’ex-président de la BCE, Jean-Claude Trichet.

Un ajustement budgétaire douloureux

Si la France devait se retrouver contrainte d’adopter un tel plan, les conséquences sociales et politiques seraient considérables. Pour Christopher Dembik, économiste, cela impliquerait probablement une réduction drastique du ratio de dépenses publiques, aujourd’hui autour de 57 % du PIB.

Le ramener à la moyenne européenne – environ 47 % – signifierait une baisse de dix points, « massive et extrêmement douloureuse », selon lui.

Cela passerait notamment par une nouvelle réforme des retraites, avec un relèvement de l’âge légal de départ, ou par des coupes importantes dans les prestations sociales et les dépenses de santé.

Or, en l’absence de consensus politique, notamment depuis la dissolution de l’Assemblée nationale, la mise en œuvre d’un tel programme semble difficilement réalisable à court terme.

Une souveraineté menacée ?

En définitive, la France ne risque pas, dans l’immédiat, de voir le FMI débarquer à Paris. Mais les signaux d’alerte s’accumulent. Et si la BCE constitue pour l’instant un rempart efficace, cette protection n’est pas inconditionnelle. Elle suppose un engagement sérieux du pays bénéficiaire à assainir ses finances.

Autrement dit, sans réforme en profondeur, la France pourrait bien perdre sa capacité à décider seule de sa politique budgétaire. Le spectre d’une « tutelle », qu’elle soit formelle ou déguisée, n’est donc plus totalement théorique.

Il est devenu un avertissement, un marqueur du chemin à ne pas emprunter.

Précision : Les informations contenues dans cet article n’engagent que le rédacteur et ne sauraient se substituer à un conseil financier spécifique. Elles ne sont valables qu’à la date de leur rédaction uniquement.

Jeremy ESSERYK
Conseiller en Investissements Financiers
Courtier en assurances et en prêts bancaires en Europe
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