À l’heure où les tensions géopolitiques se multiplient, la question de la souveraineté militaire s’impose comme une priorité stratégique pour de nombreux États. Quid de la France ? Le secteur de la Défense peut-il vaciller malgré ses solides perspectives de long terme.
Cette montée en puissance des enjeux sécuritaires se traduit logiquement sur les marchés financiers par un regain d’intérêt marqué pour les valeurs liées à la défense.
Pourtant, malgré des perspectives de croissance solides à long terme, le secteur reste soumis à une instabilité à court terme, alimentée par des facteurs conjoncturels et géopolitiques complexes.
Depuis le début du conflit en Ukraine, les actions des entreprises de défense connaissent une véritable envolée en Bourse. Le contexte international tendu, renforcé par des annonces gouvernementales de hausses massives de budgets militaires, a conduit à une ruée des investisseurs vers ce segment.
Lockheed Martin, Thales, Rheinmetall ou encore BAE Systems ont vu leurs cours s’apprécier fortement ces derniers mois. Mais cette dynamique spectaculaire soulève aussi des interrogations sur la soutenabilité des valorisations actuelles.
De nombreux analystes s’accordent à dire qu’une partie de la hausse observée relève d’anticipations spéculatives. « Aujourd’hui, il est extrêmement difficile d’avoir une visibilité claire sur le court terme », confie un professionnel du secteur.
En effet, les valorisations de certains titres semblent s’être déconnectées des fondamentaux industriels, poussées par une forme d’euphorie collective. Cette volatilité s’explique par l’imprévisibilité des événements géopolitiques : une trêve soudaine ou, au contraire, une escalade militaire, peut entraîner des mouvements de marché violents et immédiats.
Dans un tel climat, les investisseurs se retrouvent à naviguer à vue. Les conflits en Ukraine ou au Proche-Orient, par leur intensité fluctuante, influencent directement les attentes en matière de commandes militaires.
Un cessez-le-feu inattendu pourrait peser sur les projections de chiffre d’affaires des industriels de l’armement, tandis qu’un durcissement des hostilités les propulserait à la hausse. Difficile, donc, d’établir une stratégie de court terme sans exposition à une forte incertitude.
Cependant, au-delà de ces turbulences conjoncturelles, la tendance de fond reste largement porteuse. Le secteur de la défense bénéficie désormais d’une dynamique structurelle, alimentée par une volonté politique forte de renforcer les capacités militaires nationales.
La guerre en Ukraine a joué un rôle de catalyseur : en rappelant la vulnérabilité des États européens face à des menaces extérieures, elle a ouvert une nouvelle ère de réarmement.
Le nouveau secrétaire général de l’OTAN, Mark Rutte, a récemment appelé les États membres à porter leurs budgets de défense au-delà du seuil symbolique des 2 % du PIB, visant les 3 % pour certains pays.
L’Allemagne a d’ores et déjà mobilisé un fonds spécial de 100 milliards d’euros pour moderniser ses forces armées. La Pologne ambitionne un effort budgétaire équivalent à 4 % de son PIB, tandis que la France, avec sa Loi de Programmation Militaire 2024-2030, prévoit 413 milliards d’euros d’investissements, soit une hausse de plus de 40 % par rapport à la période précédente.
Cette mutation est aussi industrielle. L’Europe s’efforce de reconstruire une base industrielle et technologique de défense (BITD) solide, avec des chaînes d’approvisionnement sécurisées, des technologies souveraines et une production relocalisée.
Les contrats signés dans ce cadre sont généralement pluriannuels, garantis par les États, offrant ainsi une visibilité rare aux industriels — et aux investisseurs.
Alors, faut-il craindre une bulle ? Pas nécessairement. Certes, certains titres peuvent apparaître surévalués à court terme, mais la solidité des carnets de commandes, la stabilité des flux financiers publics et la pérennité de la demande confèrent au secteur une résilience notable.
« La demande est désormais structurelle, les engagements budgétaires sont solides, et les perspectives de croissance restent soutenues », rappelle un analyste.
Ainsi, malgré une exposition forte aux événements géopolitiques et une volatilité à court terme, le secteur de la défense reste une thématique d’investissement stratégique à long terme.
Pour les investisseurs capables de supporter les secousses passagères, il s’agit d’un marché porteur, en pleine transformation, à la croisée des enjeux économiques, politiques et sécuritaires de demain.