Le mardi 2 décembre, le Premier ministre, Michel Barnier, a annoncé qu’il utiliserait l’article 49-3 de la Constitution pour faire adopter le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS). Cette annonce a immédiatement déclenché le dépôt de deux motions de censure, qui pourraient mettre en péril le gouvernement, à peine trois mois après sa mise en place.
La situation politique actuelle, marquée par l’instabilité engendrée par la dissolution de l’Assemblée nationale le 9 juin dernier, reste tendue, avec pour conséquence l’impossibilité d’adopter le budget 2025 dans les délais prévus.
Cette instabilité croissante pourrait avoir des répercussions importantes sur la capacité de la France à se financer sur les marchés financiers.
La combinaison de cette incertitude politique persistante et de l’état préoccupant du déficit public, qui atteindrait 6,1% du PIB en 2024 (soit le double de la limite autorisée par les traités européens), n’aide pas à restaurer la confiance des investisseurs.
De plus, la récente dégradation de la note de la dette française par l’agence de notation Standard and Poor’s alimente encore davantage cette méfiance.
Dans un tel contexte, si la France venait à se retrouver dans l’incapacité de trouver des acheteurs pour sa dette publique, une crise de confiance pourrait s’en suivre, entraînant une peur panique chez les épargnants, qui pourraient craindre un effondrement du système bancaire.
Une telle situation de panique bancaire, ou « bank run », pourrait se traduire par une ruée massive des Français vers les guichets des banques, dans le but de retirer leurs économies avant qu’il ne soit trop tard.
Que se passerait-il en cas de panique bancaire ?
Si une telle situation devait se produire, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), l’organisme chargé de la supervision du secteur bancaire et de la stabilité du système financier en France, disposerait d’outils pour limiter les conséquences de cette panique.
Conformément à l’article L612-33 du Code monétaire et financier, l’ACPR pourrait imposer des mesures contraignantes aux établissements financiers, comme la limitation, voire l’interdiction temporaire de certaines opérations bancaires, y compris les retraits sur les comptes courants.
Bien qu’un tel scénario de blocage des retraits n’ait jamais eu lieu en France, il n’est pas inédit en Europe. En effet, lors de la crise des dettes souveraines, des pays comme Chypre (en 2013) et la Grèce (en 2015) ont imposé des plafonds de retrait quotidiens pour tenter de limiter la fuite des capitaux et d’éviter l’effondrement de leurs banques.
Il est toutefois important de souligner que ces mesures restent extrêmement rares et temporaires, comme le précise Philippe Crevel, économiste et président du Cercle de l’épargne.
Elles ne visent pas à saisir l’épargne des particuliers, mais à protéger les établissements bancaires en cas de ruée généralisée des déposants. En d’autres termes, ces restrictions sont mises en place à titre préventif pour éviter que la situation ne dégénère, en permettant aux banques de conserver suffisamment de liquidités pour honorer leurs engagements.
Les assurances vie : un risque de gel en cas de crise
En France, un dispositif similaire existe pour les contrats d’assurance vie, qui représentent une grande partie de l’épargne des Français.
Depuis l’adoption de la loi Sapin 2, le 9 décembre 2016, le Haut Conseil de la Stabilité Financière (HCSF), qui est une autre institution sous la supervision de la Banque de France et de l’ACPR, peut décider de prendre des mesures conservatoires en cas de risque systémique.
Ces mesures peuvent inclure le gel des contrats d’assurance vie pendant une période pouvant aller jusqu’à trois mois, renouvelable si la situation l’exige. Ce gel des contrats d’assurance vie ne signifie pas une saisie de l’épargne, mais simplement une restriction temporaire des retraits afin de protéger les établissements financiers contre les risques de liquidité et d’éviter leur effondrement en cas de crise.
La protection de l’épargne : les fonds de garantie
Bien que le gel des retraits puisse sembler une mesure inquiétante, il est important de rappeler que même en cas de faillite bancaire, les épargnants sont protégés par des dispositifs de garantie.
En France, le Fonds de garantie des dépôts et de résolution (FGDR) protège les comptes courants, les livrets réglementés (Livret A, LEP, LDDS, etc.) et autres livrets bancaires jusqu’à un montant de 100,000 EUR par déposant et par établissement. Cela signifie que, même en cas de faillite d’une banque, chaque client peut récupérer jusqu’à 100,000 EUR de ses fonds placés au sein de cette banque.
Pour les assurances vie, une autre forme de protection existe : le Fonds de garantie des assurances de personnes (FGAP). Ce fonds garantit les souscripteurs d’assurances vie à hauteur de 70,000 EUR par contrat. Cette couverture est donc un filet de sécurité pour les épargnants, même en cas de crise grave affectant le secteur bancaire ou financier.
Si un scénario de panique bancaire venait à se concrétiser, des mesures de précaution pourraient être prises pour limiter les retraits sur les comptes bancaires et les assurances vie.
Bien que ce type de restriction n’ait jamais été appliqué en France, il reste envisageable dans des situations de crise aiguë, à l’instar de ce qui s’est passé en Grèce ou à Chypre.
Toutefois, ces mesures sont strictement temporaires et visent uniquement à préserver la stabilité du système financier. En cas de faillite d’une banque, les épargnants seraient couverts par des fonds de garantie, qui leur permettent de récupérer une partie de leurs avoirs, à hauteur de 100,000 EUR pour les comptes bancaires et de 70,000 EUR pour les assurances vie.
Ces protections légales permettent de rassurer les épargnants, même dans les moments les plus incertains, tout en soulignant l’importance d’un environnement économique stable pour éviter de telles situations extrêmes.